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Des déchets mal triés et peu recyclés,
article de Florence Amalou paru dans Le Monde du 25 mai 2007
C'est la Berezina. Alors que la quantité d'ordures ménagères ne cesse d'augmenter en France - 340 kg par an et par personne, un poids multiplié par deux en quarante ans -, seule une très faible partie de nos déchets est recyclée. Cela n'est pas sans conséquence : aujourd'hui, dix départements sont débordés par l'afflux d'ordures. Dans trois ans, si rien ne change, les trois quarts des départements seront saturés, sans capacité de les éliminer ou, mieux, de les recycler.
Quinze ans après la mise en place de la collecte sélective en France, chaque foyer se débarrasse en moyenne de 10 emballages alimentaires par jour. Des bouteilles, des boîtes, des barquettes, des briques, notamment. Certains sont en verre, d'autres en papier, en carton ou en plastique. Pour être réemployée une nouvelle fois, chaque matière devra être traitée de manière spécifique. D'où la nécessité de trier.
Difficile de s'y retrouver. Une bouteille de lait, par exemple, pourra être recyclée en pull, mais pas la barquette en plastique où sont enveloppés les biscuits à l'intérieur de la boîte en carton. Un prospectus publicitaire pourra être recyclé en papier, mais pas un bloc de feuilles... Ainsi, près de quatre emballages sur dix ne seront pas recyclés.
"On recycle 13 % des déchets ménagers et on en composte 6 %. C'est très faible par rapport à l'Autriche, où 59 % des déchets ménagers sont recyclés. Ou à la région wallonne, en Belgique, où l'on est proche des 70 %", explique Hélène Bourges, du Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid). En Belgique, on ramasse davantage, et on réutilise aussi. Les épluchures, les fleurs fanées, les sachets de thé, par exemple (qui constituent un tiers du poids de la poubelle), sont compostés. Dans chaque appartement, maison ou cour d'immeuble. En France, le compostage en est à ses débuts. L'envoi en décharge reste la solution la plus utilisée. Jusqu'à quand ?
Si chacun d'entre nous doit apprendre à moins jeter et à mieux trier, une réforme globale du système est nécessaire : la responsabilité laissée, depuis 1992, à chaque département et à quelques industriels de la collecte et du recyclage (Sita-Suez et Onyx-Veolia) - comme la délégation donnée à l'entreprise privée Eco-emballage - montre ses limites. "Le problème est que notre dispositif est incomplet. Nous avons commencé à nous préoccuper des emballages, et puis ensuite, plus rien", reconnaît Bernard Hérodin, le patron d'Eco-emballage. L'absence de vision globale empêche d'être efficace.
Les limites à l'efficacité du recyclage sont connues : chaque copropriété peut décider ou non d'avoir des bacs de tri ; les communes ont le choix de la couleur des poubelles (qui peuvent être des cagettes ou des sacs) ; le régime fiscal ne tient pas compte de la quantité de déchets par foyer, et ne permet pas de récompenser les bons citoyens - puisque les taxes d'enlèvement des ordures sont calculées sur le prix du foncier. Enfin, les industriels du recyclage s'intéressent en priorité à leur propre rentabilité.
Face à des emballages dont la composition se sophistique, les Français ne savent plus à quel bac se vouer et ne voient pas toujours l'intérêt du tri. A Paris, un camion sur trois est envoyé vers un incinérateur à cause d'erreurs de tri.
"Les particuliers ont une connaissance superficielle du recyclage et de son utilité", indique-t-on chez Verre Avenir, qui recycle le verre d'emballage. Les jeunes adultes et les citadins sont les moins motivés. Or, recycler le verre, c'est aussi faire des économies : le prix varie entre 68 euros et 133 euros la tonne selon qu'il est ou non recyclé. Mais l'information manque.
Au lieu d'avoir, par exemple, sur chaque emballage, un emblème ou un logo qui aiderait à identifier le bac de recyclage approprié, les fabricants préfèrent continuer leur autopromotion en apposant le "point vert" qui indique qu'ils ont bien payé leur cotisation (obligatoire) à l'éco-organisme. Ce qui est sans utilité pour le consommateur.
"C'est aussi une question de volonté de la part des professionnels du recyclage", affirme Mme Bourges. Contrairement à l'Allemagne, par exemple, pas question ici de recycler les sacs (sauf à Paris), les barquettes ou les pots de yaourt en plastique. "Il n'y a pas suffisamment de matière", répond Jean-Luc Le Blevec, directeur exécutif de SITA France. Question de rentabilité économique ou de priorité écologique ?
Sous la contrainte européenne, les industriels font, certes, des efforts. Ils réduisent la quantité de matière qui constitue les emballages : en dix ans, ceux en plastique ont perdu 28 % de leur poids, les briques alimentaires 24 % et les boîtes de conserve, 37 %. Ils cherchent aussi à développer une filière plus performante pour le recyclage du plastique. Mais tout cela n'est pas suffisant. L'absence d'intérêt politique pour nos poubelles a un coût. Bien au-delà de la nécessité impérieuse de préserver les ressources naturelles de la planète.
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