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Le tri sélectif à cor et à cri
Le collectif environnemental Ensemble pour la planète remet sur le tapis le thème sensible de la gestion des déchets ménagers dans l’agglomération du Grand Nouméa.

Il proteste contre la lenteur de mise en route de la nouvelle filière, l’absence de traitement effectif des déchets verts et réclame la mise en place du tri sélectif.

Les annonces des autorités sont en « totale contradiction » avec la réalité. C’est ce qu’affirme Ensemble pour la planète qui, sans utiliser le mot, parle de tromperie. En novembre 2006, rappelle le collectif, une brochure estampillée des quatre communes de l’agglomération présentait le traitement des déchets verts comme une réalité. Et plus récemment, en septembre 2007, Nouméa se présentait comme une « ville écocitoyenne » ayant mis en place un « réseau moderne de tri, de transport et de traitement des déchets ».

Faux, estime Ensemble pour la planète qui affirmait hier que « l’enfouis­sement sans discernement est encore la seule méthode de gestion des déchets », et qu’« à ce jour il n’existe aucune unité de tri, aucune filière de revalorisation ou de recyclage ». Le collectif, qui passe sous silence le fonctionnement bien réel du traitement des déchets liquides à Ducos, l’un des premiers mis en place dans le cadre de la modernisation de la filière déchets, prend principalement pour exemple le traitement des déchets verts qui, pour l’instant, ne sont pas transformés en compost et ne le seront pas avant la mi-2008.



Retards sur le compost

Exact pour la date, répond la CSP Onyx, mais en faisant valoir que la modernisation de la filière est une opération à tiroirs, complexe, à mener phase par phase pour ne pas interrompre le service public. L’industriel souligne que l’Installation de stockage des déchets (ISD) de Païta est achevée (et qu’il n’a jamais été question de la bâcher par-dessus comme l’affirme le collectif), que le dock du Centre de tri et de transit (CTT) de Ducos est en construction, et que seule sa mise en œuvre permettra de libérer le sommet de l’ex-dépotoir pour y installer la fabrication de compost. Mi-2008.

En attendant, pour les environnementalistes, les informations données aux citoyens « laissent une image de la gestion de nos déchets plutôt positive mais malheureusement fausse ». La population « trie les déchets verts qui ne sont pas valorisés », et les sept millions de la campagne publicitaire de novembre 2006, payée par les contribuables, auraient été mieux utilisés à « permettre de subventionner l’achat de composteurs individuels et/ou à former la population au compostage de ses déchets organiques ».



Tri et calendrier

Au-delà du problème conjoncturel du retard dans le traitement des déchets verts, Ensemble pour la planète milite surtout pour la mise en place du tri sélectif chez l’habitant. Le collectif estime que « la valorisation et le recyclage des déchets ménagers sont une nécessité et un devoir envers les générations futures, et doivent être mis en pratique d’urgence ».

Cette solution, aux yeux des écologistes, minimise les risques de pollution potentielle des nappes phréatiques par enfouissement, de pollution de l’atmosphère par incinération, et permet d’économiser des matières premières et de l’énergie. Selon Ensemble pour la planète, le tri sélectif permettrait de recycler près de la moitié des               136 000        tonnes de déchets que produit l’agglomération chaque année : 28 000 tonnes de papiers et cartons, 17 000 tonnes de plastiques, 7 000 tonnes de métal. Le gisement, estime la Fédération des associations environnementales, est suffisant pour « développer localement des filières de valorisation et de recyclage, créer de l’emploi, concilier écologie et économie » en tendant vers l’option « zéro déchet ».

Et c’est l’objet de la demande formelle d’Ensemble pour la planète aux mairies de l’agglomération : « S’engager activement dans une véritable politique de gestion des déchets ménagers en mettant en œuvre le tri sélectif chez l’habitant », accompagner l’initiative par « une formation de la population », mettre en place « une réglementation adaptée » et « des mesures visant à favoriser l’émergence de filières locales de recyclage ». Le tout avec un calendrier d’actions pour 2008 et à moyen terme.

Un bien beau thème de campagne, à quatre mois des élections municipales...



Écologie, sport de riche ?

La refonte de la filière des déchets ménagers de l’agglomération du Grand Nouméa a fait passer le coût du traitement des ordures de 1 400 à pratiquement 9 000 francs la tonne. Et bien évidemment, la facture a été répercutée aux usagers. Un foyer nouméen paye aujourd’hui 9 600 francs par trimestre pour ses poubelles (collecte et traitement), soit près de 40 000 francs par an. Il est vrai que la somme inclut la propreté de la ville au sens large. À Dumbéa et Païta, la facture est de 6 000 francs par trimestre, soit 24 000 francs par an. Un Mondorien débourse un peu plus : 6 600 francs par trimestre, soit 26 000 francs par an. Selon les communes, il en coûte donc à l’année d’un quart à près d’un tiers d’un salaire minimum. C’est beaucoup pour les familles à revenu modeste.

Et c’est l’un des arguments développés par la commune de Nouméa pour dire que le tri sélectif et le recyclage ne sont pas à l’ordre du jour. Parce qu’en l’absence de filières rentables compte tenu de la taille et de l’isolement de la Calédonie, tout progrès supplémentaire ferait monter la facture à des niveaux impossibles à supporter. « L’écologie est un sport de riche. Faisons le nouveau dépotoir et laissons-le fonctionner avant de passer à une étape ultérieure », avait souligné voici quelques années le premier adjoint au maire. Et l’option reste valable aujourd’hui, confirme la mairie.

Nouméa, toutefois, va lancer l’année prochaine une étude sur la mise en place de déchetteries dans trois quartiers de la ville. Mais elles ne concerneront que les déchets verts et les encombrants. Pas encore l’aluminium, le verre ou le plastique.

Pour la capitale, 2008 sera aussi l’occasion d’une réflexion sur le sujet, dans le cadre du renouvellement l’année suivante de la convention entre la ville et la CSP sur la collecte des déchets.



Repères

• Manque de chiffresQu’est-ce qui est réellement récupérable dans des déchets ménagers tout venant ? À quel coût ? À qui le vendre, où et à quel prix ? Est-ce rentable ? Sous quelles conditions de volumes ? Le tri va-t-il aggraver la facture ou permettre de la réduire ? Il y a sur ces sujets beaucoup d’affirmations contradictoires, trop souvent basées sur des comparaisons avec des situations métropolitaines ou internationales sans commune mesure avec l’échelle calédonienne, et peu ou pas d’études chiffrées sur lesquelles appuyer des raisonnements crédibles. C’est sans doute par là qu’il faudrait commencer : étudier et chiffrer la faisabilité de filières de recyclage.

• ÉducationEnsemble pour la planète explique que « la population trie ses déchets verts pour rien ». L’affirmation est plus ou moins raisonnable... À Dumbéa, rares sont les tas de branchages qui ne sont pas mélangés avec des encombrants. Pareil à Nouméa, où le broyeur à déchets verts, sur le site provisoire de Montravel, a bien du mal à fonctionner tant les arrivages sont pollués de ferrailles, de vieux jouets ou de fauteuils en plastique cassés.

Bien que les mentalités évoluent doucement, la population calédonienne reste globalement indisciplinée et peu préparée, voire peu motivée, aux petits gestes quotidiens qu’imposerait le tri sélectif. Il y a là nécessité d’un gros travail d’éducation. Ensemble pour la planète en convient.

• L’exception mondorienneSur la voie du tri sélectif, le Mont-Dore a déjà fait le premier pas, ce qui lui vaut la reconnaissance des écologistes. La commune d’Eric Gay a installé des conteneurs à canettes en aluminium, à bouteilles en verre et à bouteille en plastique à Yahoué, au Vallon-Dore, à La Coulée et à Robinson. Et cela marche si bien qu’elle va installer des bacs de collecte plus grands. L’aluminium est revendu à Ducos. Verre et plastique n’ont pas encore trouvé de débouché, et sont pour l’instant stockés. Mais la mairie considère qu’il faut bien commencer.

Un pas de plus sera franchi l’année prochaine, avec la mise en place d’un tri sélectif dans les établissements publics. La commune, qui trouve des exemples instructifs auprès de sa ville jumelle du Queensland, a confié ces dossiers à une SEM, Mont-Dore Environnement.


Henri Lepot

Article du Journal Les Nouvelles Caledoniennes du 1/12/2007 
http://www.lnc.nc,


 

 
 

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